jeudi 31 mai 2007

Les trottoirs du désespoir

Ils marchent main dans la main
sur les trottoirs du désespoir
avec la mort qui veut rien savoir
la seule délivrance au bout de l’errance
comme des vieux amants trop fatigués
qui n’ont pas choisi de mettre le chemin sous leurs pieds

Des hommes des femmes
avec le macadam tattoué dans l’fond des yeux
Mais seront-ils heureux
sous le regard un peu hagard
des passants en retard

Encore une journée trop normale
sul Plateau Mont-Royal
Au coin de De Lorimier
Un gars qui n’a pas une tune
s’est fait un lit de fortune
avec des journaux d’quartier
sul plancher sale du guichet automatique
y’en a qui trouve ça ben pathétique
de passer par dessus un pauvre type
pour aller se chercher du fric

Je croise les passants à contre-courant
avec leurs p’tites gueules d’enterrement
qui font tout pour ne pas avoir l’air
de perdre leur temps
j’irais ben au Porté Disparu
brailler d’la poésie trop noire
sur du papier trop blanc
mais c’est peine perdue
c’est une époque révolue

Quand soudainement, je la vois là, juste là
recroquevillée à la porte de l’hypermarché
qui demande la charité
au coin d’la rue Boyer
juste à y voir la face
elle aurait bien voulu oublier la menace
qui a su laisser sa trace
y faut croire qu’elle a jamais eu sa place
Elle pleure en gesticulant
interpellant les passants
qui ont le pied de plus en plus pesant
moé j’peux pas faire autrement
j’me penche vers elle, j’ lui dit
Madame, madame, ça va aller, ça va aller
elle m’regarde dret dans le fond des yeux
elle dit appelle moé pas madame chu pas mariée

J’me suis assise à côté d’elle
sur un bac à pain Weston juste assez haut
pour pas être assise dans la flaque d’eau
c’est une p’tite fille brisée
dans le corps tordu d’une p’tite vieille
à fleur de peau la maladie qui lui brise les os
comme un pauvre bois d’épave
brassé milles fois par la marée
brassé milles fois par la marée

des pièces de monnaie claquent
dans l’fond mouillé d’la vieille valise
contre le portrait de marie et l’enfant
elle m’a raconté l’histoire de sa vie
pour ne pas sombrer dans l’oubli

j’ lui achète un café, 3 sucres, deux crèmes
pour prendre le temps de lui parler
non, jamais personne lui a dit je t’aime
juste, vient icitte mon estie de chienne
elle regarde les belles filles passer
qui n’osent même pas la regarder
demande ici et là une cigarette
mais personne ne s’arrête

l’amour à coup de pied,
elle aurait ben voulu oublier
les hommes qui l’ont violé,
l’enfant qu’elle a porté,
la folie de toutes ces années,
et dans son soutien gorge,
elle cache les médailles de tous les saints,
une relique et un vieux chapelet
comme autant de prières,
de larmes et de misère...

mardi 15 mai 2007

Macadam Tribus fête ses 10 ans

Macadam Tribus atteindra en mai le chiffre « magique » des 1298 émissions. Et comme Jacques Bertrand et sa bande ne font rien comme les autres, pourquoi ne pas célébrer en grand avec vous, les auditeurs.

Les artistes Ariane Moffatt et Yann Perreau seront de la fête, accompagnés par les musiciens du groupe Plaster. Le comédien Pierre Lebeau se livrera à quelques « gamineries » en compagnie des iconoclastes créateurs et artisans de Macadam. Et nous gardons une place à la poésie en compagnie des slammeurs Ivy et Isabelle Saint-Pierre qui se livreront à une guerre du verbe tout aussi cruelle que sans lendemain.

Cette fête sera surtout une occasion rarissime de rencontrer toute l’équipe de Macadam, réunie depuis 10 ans autour de son créatif animateur Jacques Bertrand. L’enregistrement de la 1298e aura lieu à l’Espace Dell’Arte, le jeudi 17 mai prochain, de 20 à 22 heures. Diffusion, le lendemain à 20 h sur la Première Chaîne de Radio-Canada.

dimanche 6 mai 2007

Slam Poésie!

5e soirée de la Ligue québécoise de Slam (LIQS)
au O PATRO VYS (356 Mont-Royal Est)
14 mai
Les portes s’ouvrent à 19h30
Entrée : 5 $

Mai, le temps des lilas ; malgré le froid et les Sarkozy, souffle toujours la poésie. Sans relâche, le slam nous rappelle que toute parole est une bonne nouvelle. Tant mieux pour nous, car elle continue de plus belle à faire entendre ses décibels.

On verra sur la scène du O Patro Vys des poètes comme José Acquelin, Jean-Philippe Tremblay, et Jean-Sébastien Larouche. Des slameurs comme L’âme Quidam et Félix Dedet, un rappeur comme Monk.e - sans oublier le retour des conteurs Isabelle Saint-Pierre et Francis Pellerin. Le bal s’ouvrira avec le sacrifice de Mathieu Lippé, émérite gagnant du slam d’avril. Rappelons que les participants auront 3 minutes (chrono en main) sans aucun accessoire pour convaincre un jury formé de 5 personnes choisies au hasard parmi le public que leur interprétation est la plus convaincante.

Notre DJ Paolo Tofu soutiendra Ivy pendant son animation et donnera le ton à la soirée. Nous aurons aussi l’immense privilège d’accueillir Paul Cargnello, auteur-compositeur-interprète solidement ancré dans ple reggae-rock-punk, qui nous donnera de quoi vibrer davantage avant la seconde ronde. Au pointage, l’ineffable Bertrand Laverdure. Nous comptons également sur les projections d’ATTIC VISUAL pour enrober le tout.

Le SLAM, pour redécouvrir le formidable potentiel de la poésie. Né à Chicago, le SLAM a conquis en 20 ans les USA, le Canada anglais et la France, notamment, sans toutefois s’implanter durablement au Québec. C’est pour remédier à cette lacune que Ivy a fondé slamontréal et la LIQS. http://www.ivycontact.com/

samedi 5 mai 2007

Émergence du Slam sur la scène montréalaise

C'est à ma plus grande surprise l'hiver dernier que j'ai découvert qu'une scène slam francophone naissait enfin à Montréal. J'avais déjà slammé malgré moi en français devant un auditoire plutôt anglophone, au Blizzarts en 1999. C'était l'admirable Alexis O'Hara qui organisait les rencontres mensuelles jusqu'en 2000. Un peu blasée des soirées de poésie interminables, le dynamisme du slam a su réjouir mon coeur de poètesse. Inspirée, j'ai organisé grâce à la confiance de François Gourd et l'appui de Alexis O'Hara, une rencontre slam opposant une équipe francophone et une équipe anglophone, lors du Symfolium en avril 2000. À l'époque, les poètes francophones n'étaient pas très chaud à l'idée d'être en compétition et d'être jugés par le public. Étrange. Mais dix d'entre eux ont bien voulu jouer le jeu. Après ça plus rien, ça slammait pas fort à Montréal. En 2002, il y a eu une rencontre 5 à 7 lors de la première édition du Festival Voix d'Amériques où j'ai obtenu la deuxième place. En 2003, 2e édition, j'ai gagné la compétition. Après ça, l'idée du slam dans la métropole est lentement tombée dans l'oubli. Pourtant ça slamme à Vancouver, Toronto et Ottawa, un peu partout aux États-Unis et en France, depuis de nombreuses années. Comme les poètes au bois dormant, nous avons dormi jusqu'en 2006. C'est Ivy qui a su remonter ses manches et s'entourer de fidèles collaborateurs pour faire revivre la scène slam montréalaise, en français. D'abord avec Slamontréal au bar les Passages et depuis janvier 2007 avec la ligue québécoise de slam (LIQS), rencontres mensuelles et slam sessions, O Patro Vys. C'est un véritable succès et les performances sont époustouflantes. Du vrai bon plaisir. Nous avions dormi trop longtemps. Nous assistons à une véritable émergence du mouvement slam ici, et contrairement à ce que nous pourrions penser, l'idée de la compétition ne divise pas, elle n'est qu'un prétexte pour rencontrer et échanger avec des poètes de tout les horizons. C'est fantastique et surtout stimulant. Pour moi le slam est un outil essentiel pour plonger dans une oralité brut et accessible, une poésie vivante et urbaine, une parole libre et acidulée.